BPJEPS AF : coach sportif polyvalent, obligation ou tromperie ?

Doit-on nécessairement être un coach sportif polyvalent si l’on veut être un « vrai », qui a du travail et gagne correctement sa vie ? Aujourd’hui, nous allons tenter de jeter un pavé dans la mare des certitudes apprises de notre milieu du fitness.

Immédiatement, la réponse qui vous vient est : « bah oui ! »… Mais pourquoi, au fait ?

Parce qu’on vous l’a répété en formation BPJEPS des métiers de la forme ? Parce que « c’est ce qui se dit dans les clubs de remise en forme » ? Parce que, peut-être, le fait que vous soyez un coach sportif polyvalent sert aussi et surtout d’autres intérêts que les vôtres ? Personnellement, j’ai une réponse plus nuancée qui pourrait vous amener à voir les choses autrement, et à peut-être éviter des déconvenues dans votre parcours de coach sportif polyvalent – ou pas.

Donc il est temps de creuser cette question : d’où vient cette idée qu’il faut absolument être un coach polyvalent et savoir tout faire dans notre métier d’éducateur sportif ? Et surtout, est-ce vrai ?

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Coach sportif polyvalent, une vérité au départ

Pour apprendre

Si l’on parle de coach sportif polyvalent, c’est bien parce que l’une des grandes richesses de notre métier, c’est la multitude de disciplines qu’il recouvre. Vous ne vous ennuierez jamais, et vous aurez toujours l’occasion d’apprendre. Dans cette optique, oui, mille fois oui, il vous faut, surtout au début, être, ou chercher à être, un coach sportif polyvalent.

Apprenez tout ce que vous pourrez, testez tout, goûtez aux réussites faciles et aux échecs cuisants, découvrez que vous êtes une bête aux tractions mais nul en haltérophilie, surprenez-vous à rigoler en faisant de la Zumba pour la première fois. N’oubliez pas, c’est avant tout votre métier donc on attend de vous que vous vous intéressiez à tout.

Beaucoup de clients en personal training ou en cours collectifs supposeront que vous êtes polyvalent, donc, pour au moins savoir les guider sur les grands principes de la remise en forme, vous aurez dû au moins dégrossir préalablement un maximum de disciplines possibles. Alors apprenez, apprenez, apprenez. Ne restez jamais sur des acquis. Ainsi, vous pratiquerez non pas un mais mille métiers en un, et ce, toute votre vie.

Pour entretenir une passion

Garder une âme d’enfant

En toutes choses, la curiosité empêche la médiocrité. Si vous êtes toujours dans l’état d’esprit du prof de fitness débutant, alors vous serez toujours émerveillé par ce que vous faites, et cet émerveillement est communicatif.

Etre polyvalent dans la remise en forme, c’est avant tout la volonté de ne fermer aucune porte, et d’utiliser toutes ses connaissances maîtrisées pour l’aider dans des domaines qu’il maîtrisera moins, mais auquel il se confrontera quand même.

Coach sportif polyvalent : une opportunité pour entretenir une passion après le BPJEPS AF.

Coach sportif polyvalent, une vérité au départ pour entretenir une passion.

Polyvalent ne veut pas dire « super fort » !

Moi, par exemple, je suis nul en haltérophilie. Je suis un grand machin beaucoup trop lourd avec des fémurs interminables, j’ai fait mon premier épaulé-jeté à 35 ans et j’ai un déséquilibre des chaînes musculaires postérieures énorme. Je suis, j’ai toujours été et serai toujours une carotte intergalactique en haltéro. Je viens d’inventer l’expression « être une carotte intergalactique » (j’ai l’impression qu’on comprend tout de suite que ça veut dire que je ne suis pas très bon, non ? 😊).

Eh bien, vous savez quoi ? L’haltéro me passionne. Justement parce que je suis vraiment médiocre sur mes performances et que j’essaie de garder en tête cette idée de polyvalence dans mon métier de coach sportif, j’ai étudié les postures, la décomposition du mouvement, la théorie des positionnements et tout le reste au millimètre.

N’oubliez pas que l’entraîneur d’Usain Bolt court moins vite que lui et reste un bon entraîneur malgré tout !

Tout cela fait qu’aujourd’hui, quand un type de 15 ans de moins que moi et qui arrache déjà 20 kg de plus que moi vient me voir parce qu’il s’est fait mal au dos, je suis en mesure de régler son problème et de faire disparaître ses douleurs en lui montrant comment bien faire le mouvement avec mes petits 40 ou 50 kg sur la barre.

Si j’étais resté sur ma relative nullité de performance personnelle, l’haltéro serait devenue un crève-cœur et une peur. Au lieu de quoi, l’haltérophilie, en soulignant ma faiblesse, m’a poussé à développer ma polyvalence de coach. Je ne me spécialiserai jamais là-dedans, mais justement, je pourrai aider ceux qui s’y heurtent, parce j’ai vécu ce que ça fait de se confronter à cette difficulté.

En luttant pour rester un coach sportif polyvalent au lieu d’abandonner ce sur quoi je butais, j’ai pu rester passionné par une discipline qui sinon, aurait fini par m’écœurer.

Les contraintes insurmontables ne veulent pas dire que tout est fini

Pour l’anecdote, un ancien camarade de promo BPJEPS AGFF, avec un ratio poids-puissance hallucinant, était incapable de faire plus de trois tractions à cause d’une subluxation inopérable de l’épaule. Par contre je l’ai vu sortir dix pompes en ATR (Appui Tendu Renversé, ou en anglais, Handstand Push-ups) en touchant uniquement le sol avec la pointe de ses doigts, tout en continuant à discuter.

Cette personne est très polyvalente dans son métier d’éducateur sportif, mais ne sera jamais athlète de Street Workout. Mais je peux vous garantir qu’il peut en être un maître, et vous apprendre le muscle-up en quelques semaines, parce qu’au niveau des épaules, c’est un sacré spécialiste, justement parce qu’il est à la fois très fort et handicapé sur cette zone. Pour être un bon coach polyvalent il ne faut pas être à fond tout le temps et le meilleur partout ; c’est un sujet que Camilia traite par un biais voisin dans cet article qui vous sera très utile.

BPJEPS activités de la forme : athlète de Street Workout ne rime pas avec éducateur sportif polyvalent.

Athlète de Street Workout ne rime pas avec éducateur sportif polyvalent.

Pour avoir son diplôme d’éducateur sportif, bien sûr !

Autant écluser tout de suite les évidences, la meilleure raison pour se diversifier, c’est de mettre toutes les chances de votre côté pour décrocher votre BPJEPS AF. En particulier si vous présentez les deux options, cours collectifs et haltérophilie-musculation, vous ne pouvez pas vous permettre d’être totalement incompétent dans trop de domaines – dans aucun, c’est encore mieux.

Dans cette optique, et si vous êtes actuellement en formation, je ne peux que vous conseiller de bosser vos points faibles et non de renforcer vos points forts pour développer votre polyvalence en coaching. Nous y reviendrons plus tard, mais les centres de formation tout comme les salles de fitness préfèrent largement les coachs qui savent « tout faire » qu’un superman en force athlétique incapable de concevoir un cours de Step (alors que l’inverse serait à leurs yeux moins gênant).

De manière générale, votre intérêt démonstratif, votre enthousiasme, votre envie de progresser seront notés et appréciés pendant la formation, soyez-en certains – et l’inverse aussi ne passera pas inaperçu.

Tant que vous êtes en formation, employé ou futur employé d’un club de remise en forme, la bonne logique c’est : « coach polyvalent = diplôme et emploi ».

Pour trouver son premier job, souvent en salle de fitness

Les patrons aiment les « couteaux suisses »

Un gérant de salle de fitness s’attendra bien-sûr à ce que vous soyez un éducateur sportif capable de tout faire. C’est pour ça que le taux de chômage est très faible dans notre métier quand on a les deux options, alors qu’avec juste l’option « muscu » sans l’option « cours co’ », c’est un peu plus compliqué.

Du reste, je vous livre aussi un conseil d’un de mes profs du CREPS, pour le coup un sacré coach polyvalent, qui exerce depuis plus de 20 ans, et qui nous disait : « J’ai commencé à être bon en coaching privé au bout de plusieurs années à faire des cours collectifs ».

Être bon ici pour être bon là

Il y a dans notre métier de coach sportif des transferts de compétences. Et c’est vrai qu’il ne faut rien négliger. Si vous êtes en train de le vivre en formation BPJEPS, vous êtes en train de le découvrir par vous-même. Par exemple, le Step en cours collectifs aide à la proprioception grâce à la relation musique-mouvement. Ceci augmente votre proprioception en général et peut contribuer à améliorer la qualité de vos squats quand vous saurez crocheter le sol avec les orteils en phase concentrique depuis la course interne de vos quadriceps. Dans la même optique de coach polyvalent, j’ai découvert que savoir danser aide à faire le drapeau humain, en tous cas pour moi.

Bref, plus vous en faites, plus vous pourrez en faire, et ça, les managers de clubs de sport adorent. Savoir faire des activités diversifiées sert donc nécessairement vos intérêts, puisque, dans de nombreux cas, vous travaillerez au moins dans un premier temps comme salarié dans une salle pour faire vos armes. La bonne formule ici : « coach polyvalent = meilleure employabilité ».

Pour relever sans cesse de nouveaux défis

Normalement, l’envie de toujours se dépasser est un trait de caractère plus ou moins acquis pour les coachs sportifs. Pourtant, une tendance naturelle peut guetter chacun d’entre nous : se reposer sur ce qu’on maîtrise par nécessité de« faire tourner la boutique ». Nous n’avons pas toujours le temps, l’énergie et l’état d’esprit pour sans cesse prendre l’initiative de nouveaux défis.

Pour pallier cette difficulté, l’objectif de devenir un coach polyvalent est une aide, à deux titres :

  • En premier lieu, les défis seront toujours nombreux et faciles à trouver, car la myriade de disciplines au sein de l’univers fitness permet de ne jamais en avoir fait le tour.
  • Ensuite, au lieu d’être verticaux, les défis d’un coach polyvalent seront horizontaux. En effet, si vous faites de la force athlétique depuis dix ans et que vous poussez 200 kg au développé-couché, il vous faudra peut-être plusieurs mois voire des années pour passer votre max de 200 à 210 kg.

Ne nous le cachons pas, à moins d’être un furieux centré uniquement sur ça, cela va être extrêmement contraignant et monotone, physiquement et psychologiquement. Mais c’est aussi ce qui rend la chose si excitante et louable à réaliser – question de choix.

En revanche, pour un coach polyvalent, découvrir « à zéro » ou presque une nouvelle discipline sera moins pénible. L’enthousiasme de la nouveauté, la joie de la découverte, le transfert de force disponible… Tout cela fera que, par exemple, si pour développer votre polyvalence, vous tentez les arts du cirque après avoir acquis un certain niveau en musculation en poids du corps, vous ne partirez pas de rien mais vous vous rendrez vite compte que vous devrez recommencer à zéro – avec l’attrait de l’exploration. En effet, faire du « main à main » n’a pas grand-chose à voir avec les tractions chorégraphiées en « escaliers invisibles » de Street Workout, les tractions « propres et strictes » du Calisthenics ou les séries de tractions « kippées » de CrossFit.

Tout cela est peut-être un peu plus amusant et varié que de programmer un trimestre de méthode Bulgare Lourd que vous connaissez par cœur – et peut-être plus utile au regard de vos clients ou employeurs.

Pour rester humble

D’abord, répétons, re-répétons, re-re-répétons (oui, le verbe re-re-répéter n’existe pas mais je fais ce que je veux, c’est MON article, na ! 😊), le maître-mot de notre métier : HUMILITÉ.

Alors oui, je sais, coach sportif polyvalent, personal trainer spécialisé, professionnel du culturisme, prof ou amateur passionné, vous en avez vus et vous en verrez encore, des narcisses et des grande-gueules dans le fitness. Mais si vous êtes passionné par ce milieu, par ses disciplines, par ce métier, et je suis sûr que vous l’êtes, alors vous savez une chose : la musculation est une des choses, qui, dans la vie, nous remet le plus fort et le plus vite à notre place.

À part la boxe, je ne me suis frotté à aucune discipline qui nous apprend l’humilité aussi vite, aussi fort et de manière aussi implacable. Et si je considère que, parmi les gens les plus fantastiques que j’ai rencontrés dans ma vie, beaucoup gravitent autour de ce milieu, c’est justement parce qu’ils ont appris l’humilité véritable.

50 kg, ça restera toujours 50 kg, et quand ça ne monte plus, ça ne monte plus. À cette occasion, on voit les caractères, ceux qui craquent, ceux qui s’énervent, qui se découragent, se vexent… Mais on voit aussi ceux qui nous inspirent à devenir comme eux, qu’ils soient ou non des coachs polyvalents : forts, calmes, sereins, capables d’autodérision et munis de suffisamment de confiance pour admettre un échec et recommencer jusqu’à ce qu’ils aient surmonté l’épreuve.

Devenir un coach sportif polyvalent, tout comme devenir expert dans une spécialité, bien qu’étant deux démarches diamétralement opposées, auront un point commun : vous ne tiendrez jamais les choses pour acquises. Et de mon expérience, s’il y a bien une chose que les clients détestent, ce sont les « cadors ». Donc, rester un éternel apprenant vous aidera humainement et spirituellement.

Un grand boxeur dont vous pouvez vous inspirer le dit mieux que moi (à partir de 2’18 »).

BPJEPS AF : dans le coaching sportif, il est important de rester humble, comme l'explique Georges Carpentier.

Histoire de sport, Georges Carpentier

Coach sportif polyvalent, un piège à l’arrivée ?

L’arrogance déguisée en humilité

Si s’intéresser à tout est un signe d’humilité, papillonner partout pour donner le change relève plutôt de l’inverse. C’est le piège du coach polyvalent : prétendre savoir tout faire est justement de la prétention, parce que quand on fait tout, on fait tout mal.

L’humilité passe avant tout par l’acceptation de sa propre insignifiance : même en se consacrant toute une vie à une micro sous-branche du fitness, on n’en maîtrisera jamais la totalité. Alors, se vendre comme quelqu’un capable de tout enseigner parce qu’on a fait 14 formations de 3 semaines chacune et appeler ça être un éducateur sportif polyvalent… Cela peut ne pas inspirer confiance au client. À juste titre. Parce que c’est d’une arrogance inouïe.

L’obligation de toujours courir après la dernière mode

Pour être tout à fait honnête, avec du recul, l’univers des activités de la forme ressemble parfois, à mon sens, à un joyeux bordel où règne une confusion entretenue, souvent pour des raisons mercantiles. Sous couvert d’être coach polyvalent, certains se soumettent à chaque nouvelle injonction de la mode, avec des dizaines, des centaines d’approches, de méthodes, souvent contradictoires et mutuellement exclusives. (Vous avez essayé de donner chaque jour un cours de BodyAttack, un cours de biking et un cours de cuisses-abdos-fessiers au milieu d’un cycle de plusieurs semaines de force pure sur les jambes… ? Cela ne tient pas très longtemps sans créer de sérieuses conséquences médicales pour la suite de votre vie, même si vous y arrivez parce que vous avez 20 ans au moment où vous le faites !).

Tous les dix ans, une nouvelle révolution dans le fitness semble venir balayer les pratiques antérieures, et chaque pratiquant ou professionnel semble sommé de choisir son camp et les petites cases dans lesquelles il va signer pour faire de lui un coach sportif universel.

Au final, que reste-t-il ? Une hypocrisie générale où tout et son contraire semble défendable tant que les affirmations sont justifiées par des références « scientifiques »… Ce qui ressemble tout de même méchamment à de l’argument d’autorité, quand on sait avec le recul que les vérités d’entraînement d’hier sont souvent les contre-vérités d’aujourd’hui. S’ensuit une ambiance propre à développer la fatuité et la cuistrerie des coachs fitness soi-disant polyvalents pendant que la santé des pratiquants sert de variable d’ajustement.

Dans les années 20 nous avons assisté à toute une génération de jeunes filles massacrées par la gymnastique suédoise, qui se rompaient le tendon d’Achille à 40 ans simplement en montant un trottoir… Dans les années 70 est arrivée la chimie lourde et ses conséquences sanitaires dramatiques dans le monde du culturisme. Aujourd’hui, quand vous discutez avec des kinés ou des ostéopathes, ils qualifient souvent les pratiques de CrossFit non pas de discipline pour coach polyvalent mais « d’usine à blessures ». Comment lever la confusion et savoir que croire ? Vous imaginez la perte en capital-confiance pour nos coachés ?

Un homme-orchestre fait des fausses notes avec chaque instrument

Vous ne pouvez pas être parfait. Et le problème c’est la logique qui vous fait croire que vous devriez l’être – ce raisonnement ne devrait pas exister ! Souvent, un coach polyvalent est vu comme quelqu’un qui doit « être à la page », et changer dès qu’on tourne les pages, sinon, il serait « fainéant ». Mais nous ne sommes pas des blogueuses-mode. La biomécanique, la nature, la biologie humaine ont des lois immuables qui leur sont propres et qui ne dépendent pas de ce que les hommes en pensent. Les choses ne passent pas de vraies à fausses parce qu’un mouvement de mode ayant le vent en poupe – et qui aura peut-être disparu dans 10 ans – le décrète. On ne peut pas TOUT faire bien et TOUT réinventer. Prétendre que parce qu’une nouvelle mode arrive, elle est le nouveau statu quo et que maintenant il n’y a plus que ça qui marche sous peine de ringardise, c’est une escroquerie intellectuelle.

Et la logique qui nous dit que nous sommes de mauvais professionnels si nous ne savons pas tout faire, si nous préférons nous concentrer sur ce qui nous fait plaisir, à quoi nous sommes prédisposés et donc meilleurs, est une tromperie – ça n’a rien à avoir avec le fait d’être ou non un coach sportif polyvalent. C’est une tentative de culpabilisation. Pourquoi ? On y vient.

BPJEPS AF : le coach sportif polyvalent, tout comme un homme orchestre, ne peut pas être parfait.

L’homme orchestre fait des fausses notes avec chaque instrument.

Cui Bono ?

Cette locution latine est souvent traduite par « à qui profite le crime ? ».  En l’occurrence, cette croyance qu’il faille être impérativement un éducateur sportif polyvalent sert surtout les intérêts des gérants de salle de fitness – pas nécessairement les vôtres. Si vous êtes un coach indépendant privé et que vous vous orientez vers l’accompagnement individuel, le bien-être… Ou si à l’opposé vous travaillez avec des jeunes sportifs que vous « boostez » dans des disciplines exigeantes, quelle est la pertinence du Body Pump ? Je ne dis pas que cela ne sert à rien – je trouve ça très utile pour plein de choses, mais d’où sort cette parole d’Évangile prétendant que vous devez être en train d’apprendre par cœur la nouvelle chorégraphie mondiale sur la même musique que tout le monde tous les trois mois ?

C’est vrai si vous êtes salarié d’une salle parce que le patron s’engouffre comme tous les autres dans la nouvelle coqueluche du moment. Alors vous devrez faire du Body Pump pour être coach polyvalent parce que celui qui vous paie vous en intime l’ordre, c’est tout. Cela n’a rien à voir avec le fait que vous soyez ou souhaitiez être polyvalent – si c’est hors de votre champ d’action, vous avez le droit de ne pas en faire, de ne pas vous y intéresser, ça ne fera pas de vous un mauvais professionnel. Bien sûr, c’est plus simple en étant indépendant.

L’effet secondaire négatif du syndrome de l’imposteur

Consécutivement, un effet que l’on constate chez de nombreux coachs sportifs polyvalents, ou tentant de l’être, est le « syndrome de l’imposteur ». S’ils font « trop »de choses différentes, ou s’ils n’ont comme « expertise » qu’une formation de quelques jours ou semaines, payée parfois des milliers d’euros, alors les scrupules, le manque de confiance, l’impression de passer en force peuvent les rattraper. Et ce phénomène fait beaucoup de mal à la profession, surtout pour des gens qui sont d’excellents coachs multi-casquettes mais qui craignent de n’être pas à la hauteur malgré leur efficacité avérée… quant-à l’inverse certains vont réellement croire maîtriser un domaine après trois modules de formation accélérée un peu factices.

Pour vous faire passer l’idée, je vais illustrer par quelque chose qui n’a en apparence rien à voir avec les coachs polyvalents : je vous laisse écouter la voix officielle de Brad Pitt.  

Elle vous dit, dans un autre domaine que je connais bien, la même chose, en remplaçant les mots « doublage » par« coaching » et d’autres métaphores que vous comprendrez facilement.

Non, on ne peut pas s’improviser « éducateur sportif qui sait tout faire » en tout et être bon. Parce qu’être bon, ça demande des années de travail, d’implication, de sacrifices, et ce pour être bon déjà dans UN domaine… Cela se fait fatalement au détriment d’autres choses qu’on n’a pas pu développer au même niveau, parce que les journées ne font que 24 heures !

Coach polyvalent, coach spécialisé, coach hyper-spécialisé… Ce sont des métiers exigeants, rigoureux, qui requièrent des choix, donc des choses qu’on embrasse à bras le corps et d’autres qu’on exclut.

Et le client dans tout ça ?

Au final, être coach sportif polyvalent, c’est bien beau, mais n’est-ce pas passer à côté du sujet ?

Pourquoi faites-vous ce métier ? Pour être payé à avoir le luxe de faire tout ce qui vous plaît, danse, athlétisme, bodybuilding, Les Mills, et toute le reste en vous regardant devenir beau, grand et fort dans toujours plus de domaines… Ou pour essayer de maîtriser à fond, humblement, un, puis deux, puis trois domaines sur des décennies de travail, pour prendre soin des gens ?

En tant que coach sportif, polyvalent ou non, vous êtes un guide. Pas une star. Pas un mercenaire émotionnellement détaché qui fait robotiquement le role model sur son estrade de manière calibrée.

Si on compare le métier d’éducateur sportif à un groupe de rock, vous n’êtes pas forcément le chanteur qui attire le regard, souvent, vous êtes le bassiste. Discret, en arrière-fond, on ne vous entend pas toujours mais sans vous toute la cohérence rythmique de l’équipe se casse la figure. Et vous êtes essentiel parce que ce qui compte, ce n’est pas l’ego du performeur, c’est que le public trouve ce pour quoi il a payé.

La seule chose qui compte, c’est de fournir une chose maîtrisée au client, pas mille choses maîtrisées à moitié – donc pas maitrisées du tout !

BPJEPS AF : le métier de coach sportif est merveilleux pour celui qui garde une âme d'enfant.

Coach sportif : un guide pour les autres qui reste humble et curieux.

Conclusion : la polyvalence n’est pas une fin en soi

La pratique de la profession de coach sportif m’a fait me rendre compte, encore plus qu’auparavant, que le fonctionnement du corps était encore bien méconnu, et que la pratique et a fortiori l’enseignement des activités de la forme devait inciter à l’humilité.

Toute une vie passée dans cet univers ne suffirait pas pour faire le tour d’un millième de sa réalité, quels que soient nos choix de spécialisation. La remise en question, et donc la potentielle amélioration, la possibilité d’apprentissage, sera toujours là, ce qui est une chance formidable qu’offrent peu de disciplines – en tous cas pas à ce point-là. C’est une richesse qui permet de ne jamais se frustrer en laissant s’installer la routine, tout en gardant son esprit critique, en panachant des méthodes et des approches pour être un coach unique vers lequel viendront les clients parce qu’ils se reconnaissent dans sa vision.

C’est une gratification fantastique que je n’ai jamais vue dans d’autres domaines professionnels – et c’est une des raisons de mon choix de reconversion dans la branche sport. J’ai choisi les activités de la forme parce qu’au-delà des croyances changeantes et des guerres de chapelle, des problèmes de narcissisme et de superficialité intrinsèquement liés au milieu, elles représentent un levier d’action redoutablement efficace pour impacter positivement la vie des gens. Ce qui me semble une raison amplement suffisante pour que toutes les réserves émises précédemment ne soient finalement que des alea et des imperfections, comme il en existe dans tous les métiers. Que l’on soit un coach polyvalent ou que l’on décide de ne faire que des cours de cuisses-abdos-fessiers en association, ou encore de ne donner que des conseils de musculation par Skype, la question est en fait, un peu, un leurre.

Parce qu’en réalité la question n’est pas là.

Inspirez-vous de ceux qui fonctionnent économiquement en étant heureux de faire ce qu’ils font, et vous verrez qu’ils sont soit coachs polyvalents soit pas du tout, mais que l’absence éventuelle de polyvalence est rarement la raison d’un échec.

Apprenez tout ce qu’on vous enseigne en formation, restez curieux, mettez-vous en danger, ne ronronnez jamais sur vos lauriers, mais justement, soyez humbles et ne vous mettez pas en tête que vous êtes « coach à tout faire ».nEt ainsi, vous pratiquerez ce métier merveilleux longtemps, passionnément et pour le bien de tous, à commencer par vous-même.

C’est tout ce que je vous souhaite dans votre voyage de coach – donc de guide pour les autres.

Date de première publication : 2 mai 2020

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